« Dites / Que faut-il dire à travers nos chansons ? / Ton sourir’ chérubin, tes cheveux qui me masquent / Tes yeux qui m’écarquillent ? Dites ? » Il y a chez Michel Grange ces mots roulant dans sa bouche, sa voix volontairement précise et claire, respect du verbe oblige, sa main nerveuse s’abattant sur les cordes de la guitare, qu’il doit changer souvent. Son visage joufflu, potelé, sa tignasse et ses baccantes d’un possible mousquetaire, en auto-distribution. Tout est Grange qui depuis toujours engrange les mots, amasse ses chansons.
Désormais retraité, les cheveux en automne, il retrouve à plein temps son utilité sociale de chanteur. A l’écouter, à l’observer, il fait songer à un compagnon du devoir, fier de son bel ouvrage, s’en allant par les chemins, pour apprendre toujours, pour donner beaucoup.
C’est un baladin, un trouvère des temps modernes avec, dans sa besace, beaucoup de ses textes peu ou pas connus. Dans le lot, pas mal de perles. Comme cette petite chanson aux allures de fable, sur ces bateaux qui guerroient, exploitent et salopent tout : « Maman, les cuirassés / J’aimerais les maudire / Ils sont faits pour vomir / Du feu et de l’acier. » Et puis ces autres encore, prélevées à d’autres artistes, tout transmetteur, interprète que Grange sait être aussi, de Kerval à Brassens : « Aimons-nous, amis, aimons-nous de loin en loin. » Il aurait encore vingt ans que, juré, il ne chanterait pas autrement, pas avec plus de jeunesse et de pétillance qu’aujourd’hui. Certes avec quelques chansons de moins, comme celle sur L’Adolescence (quand on a « Deux ou trois poils au cul et pas un brin de doute ») et, à l’autre bout, Lorsque ça commencera à sentir le sapin… Mais avec cette même envie de toujours partager, offrir sans fin, sans frein. Ça fait plaisir de le savoir à nouveau sur nos scènes et, mieux encore, de s’en aller l’applaudir.
Source : http://nosenchanteurs.wordpress.com